Anne-Bénédicte Joly

Écrivain

J'aime ou j'aime pas... - Année 2009

J'aime ou j'aime pas...
Mois J'aime... J'aime pas...
Décembre Croire en l'autre et m'y atteler... M'attacher à un leurre en faisant semblant d'y croire.
M'étonner de tout ce qui m'entoure. Etre blasé et ne plus rien voir ni entendre.
Les cloches de la basilique de Prague, de Lisbonne ou de Bruges. Me dire que c'était il y a sept, cinq ou trois ans car je sens proindre la nostalgie...
Oublier que j'existe pour me sentir en vie. Exister sans réfléchir au risque de m'oublier.
Novembre La mémoire de l'oeil, des temps, des lieux, des êtres et des choses. La mémoire encombrée et culpabilisante des râtés, des difficultés d'être et des insomnies dont elle est la cause.
L'histoire des familles et le respect de nos racines. Les secrets de famille qui modifient l'image et l'harmonie d'une famille.
En marchant, dire à l'autre ce qui est dans mon coeur. Devoir marcher seule si je suis aphone.
Mémoriser un paysage fascinant lorsque je suis en voyage. Avoir oublié une parcelle de souvenirs, même un détail...
Octobre La musique et les émotions qu'elle charrie Lorsque l'on me décortique chaque élément de la partition car cela atténue mon émotion.
La peinture et les émotions qu'elle charrie Lorsque l'on me décortique chaque élément du tableau car cela atténue mon émotion.
Découvrir un pays en ayant lu avant. Avoir l'impression d'avoir déjà vu ce pays quelque part.
Le dire et l'écrire. Ne rien faire, ne rien écrire, ne rien dire.
Septembre Voir s'allumer le désir dans le feu d'un regard enamouré. Ne lire rien d'autre que l'exécution, même parfaite, de choses programées.
Dire mon senti. Entendre médire sur l'autre et devoir m'encombrer de ce souci.
Oublier mon âge quand le rire me submerge. Glousser et ne laisser échapper aucun son lorsque le rire me guette.
Entendre une mine de stylo crisser sur l'horizon immaculé du papier. Que se heurtent en moi des contradictions d'encre dénuées de syntaxe sensée.
Août Le rythme langoureux des cascades de syllabes qui germent en moi. Sonner à vide, comme si j'étais une habitante des creux à l'âme.
M'étonner et rire de presque rien. Etre accaparée par un tout ou des presque...
M'isoler, laisser s'exprimer mon silence intérieur. Lorsque l'on m'empêche de m'isoler.
Les effets des contradictions et les débats qui en résultent. Lire en l'autre uniquement l'exécution, même parfaite, des choses établies.
Juillet Ma pointe Bic, de préférence noire d'ailleurs. Les autres couleurs car elles signifient corrections et, avant de corriger, je suggère.
Entendre le silence du souffle de mon amant. Ne pas caler le mien sur le sien.
Métourdir de musiques, de bruits, de mes dehors. Etre contrainte de devoir m'étourdir car c'est un peu comme mourrir.
Juin L'éclair, la foudre et le jaillissement des feux. Après. L'après. l'après orage. L'après fin. l'après tout...
L'Histoire remplie d'histoires. Lorsque l'on me rappelle l'histoire des miens sortie du contexte de l'Histoire.
Rire. M'entendre rire.
M'isoler pour mieux penser. Souffrir d'isolement quand aucun regard ne vient croiser le mien.
Le "tu". L'écho de ce "je" empli de verbiages pourtant si répandus chez nos contemporains.
Mai Tout ce qui a trait, de près ou de loin, au chocolat. Le chocolat noir trop amer tant il désacralise l'image que je me fais du praliné conjugué au lait ou aux noisettes, qui me fait voguer sur un nuage, sans amertume.
Ecouter au-delà des limites. Etre limitée par la logorrhée verbale.
Attendre celui pour qui tourne l'horloge de mon coeur. M'imaginer, ne serait-ce qu'une seconde, en retard sur les rivages de l'horloge de son coeur.
Le pelage des choses soyeuses apprises par coeur. Faire du rêve avec une pensée trop rêche.
Avril Les livres, les envois et les dédicaces. Les livres tous neufs qui n'ont jamais été lus.
Dater, répertorier, organiser ma boîte à souvenirs. Lorsque quelqu'un se rappelle de quelque chose à ma place.
Garder ma place pour ne pas perdre ma tête. Que l'on me prenne ma place lorsque je m'absente.
Les murmures et le senti. Les gens qui parlent à trop haute voix.
Mars L'histoire, les histoires... surtout celles des autres. Lorsque quelqu'un cherche à faire des recoupements entre mes écrits et mes histoires.
Apprécier la tristesse alors que j'ai terminé la lecture d'un roman. Ressentir un vide dans j'ai fini d'écrire.
Feuilleter un livre avant de débuter sa lecture. Etre envahie par les a priori et les "on dit".
Gôuter avec naturel à la spontanéité d'une plume à découvrir. Subir la subjectivité en me mettant entre parenthèses.
Février Le blanc et la couleur du temps. Les rayures qui supplantent l'ordre de mes choses qui auraient eu envie, à ce moment précis, de torsades plus harmonieusement souples et volutées.
Les paillettes de couleurs qui égayent un espace dépouillé. Lorsqu'un ton impose à mon tournis intérieur un malaise difficile à canaliser.
Glisser sur la ruée. Déraper sous le son des huées malveillantes.
Me répandre au plus près de mon senti. Devoir éponger mes excès au risque d'être repérée.
Janvier Flotter et épier chez les autres des bribes de romanesque. Que l'on décelle chez moi le regard taquin de l'auteur que je préssens être de temps à autres.
Aimer, tout simplement. Que l'on m'aime en dépit du bon sens.
Tout attendre d'un livre à démarrer. Devoir quitter un univers qui m'a accompagnée et ravi mon quotidien.
Oublier mes personnages pour m'investir dans de nouveaux. Qu'ils me reprochent de les avoir oubliés.