Anne-Bénédicte Joly

Écrivain

J'aime ou j'aime pas... - Année 2008

J'aime ou j'aime pas...
Mois J'aime... J'aime pas...
Décembre Lorsque s'agitent des idées, dans mon âme, au creux de mes pensées. Ne rien sentir, remuer alors que les larmes ne demanderaient qu'à couler et la plume s'exprimer.
La redondance et l'éclat. Le retour des choses et les éclaboussures de l'apparaître.
Voir l'histoire, pas le coin de mon imaginaire. Que l'on m'espionne alors que je donne des histoires et de l'épaisseur à mes personnages.
Dire oui. Me l'entrendre dire à contre-coeur.
Toutes les saveurs sucrées, bien sûr. Le salé au goût des larmes du temps passé.
Novembre Etablir les faits et créer des résonances. L'écho de jugements désagréables pourtant jamais suscités.
La tolérance et la tempérance. Les pérfixes privatifs qui interfèrent avec toutes les meilleures intentions du monde.
Planifier et projeter. Les obstacles immobilisants, les plans caduques et les projections dans le passé.
Etre surprise en un mot, par un mot. Ce participe privé de son préfixe qui ne convient pas toujours.
Octobre Oublier que j'ai été en colère. Manquer de respect à autrui alors que la colère me submerge.
Me rappeler que la colère provient souvent d'un désordre à l'image de souvenirs en vrac laissés dans un grenier. Lorsque la colère se rappelle à moi et qu'elle exige que je range mes idées, laissées en vrac dans mon grenier, en deux minutes.
Définir et élire des priorités. Etre noyée sous des trombes de détails.
Voir se dessiner les idées principales. Repérer la principale et passer à côté de la subordonnée.
Etre appelée pour s'épancher. Lorsque l'on me rappelle d'anciennes situations que je veux tenir en dehors de moi.
Ce présent avec ces nouvelles choses établies. Le passé qui surgit sans crier gare.
Septembre Etre éblouie. L'ombre d'une image dissimulée par un hâlo de lumière agressive.
La lumière tamisée et les ombres devinées. L'artifice d'un feu éclaboussant prêt à s'éteindre sitôt les talons de la convenance tournés.
Entendre une sonnerie de téléphone originale. Avoir la désagréable impression de reconnaître une sonnerie et de me tromper.
Etre dans l'originalité. En être victime, piégée par mon propre jeu.
Août Un don, spontané, qui n'attend jamais de retour. Surprendre dans l'attitude des autres une commisération explicite en vue d'attendre quelque chose de moi.
Cette sensation de clarté qui suit l'absence de mots et qui permet de relativiser un nuage. L'indicible qui se cantonne au non dit au point de sentir la chose passée sous silence.
L'ivresse de l'oubli. Les souvenirs qui flirtent avec la mélancolie.
La voix, son vécu, ses intonations sincères. La voix retravaillée dont les ondes ne résonnent qu'avec appris.
Le moment juste avant la rencontre lorsque l'on s'imagine. Avoir été dupée par mon imagination et descendre de haut.
Voir danser un nuage dans un ciel étroit. Les nuages qui éclipsent les étoiles.
Juillet Ecouter et entendre. M'éreinter à parler car c'est bien loin de mon naturel.
Psalmodier en mâchonnant des paroles d'antan. Entendre des faux airs de sincérité d'aujourd'hui dénués d'émotion.
La dictée et les dictées. Que l'on me rappelle que j'ai oublié un "s" d'un pluriel récalcitrant.
Epeler pour mémoriser. Garder en mémoire des lettres inutiles qui se jouent de mon amnésie.
Etre inondée par l'émotion du chagrin. Etre sous une pluie torrentielle sans abri ni égard.
Attendre et guetter la rumeur du dehors. Subir la pression d'un temps précipité au risque de froisser mon dedans.
Juin Les talons effilés qui soulignent la féminité. Repérer une démarche qui s'embourbe dans une allure chaotique due au port de talons inadéquat ou impropre à la consommation pédestre de la passante.
Regarder, en face, les êtres et les choses. Etre face à une fuite ou un évitement en trompe l'oeil.
Avoir l'oeil sur des détails peu encombrants. Etre envahie par des futilités d'ordre général qui me font perdre de vue les détails.
Discourir pourvu que l'on ne m'arrête pas. Rester évasive et ne plus savoir me situer.
Percevoir des signes d'un destin à l'horizontal. Que seul l'horizon ne soit prétexte à écrire et que mes consonnes manquent à l'appel de la verticalité.
Découvrir, déployer, démontrer en me cachant derrière un préfixe. Oublier qu'un mot est un composé d'un radical cerné par des avants et autres suffixes.
Mai La couleur du temps surtout lorsqu'il fluctue. Les couleurs vives imposées par une publicité vantant les mérites d'un produit hors du temps.
Le hors champ, le hors du temps de ce temps qui va au dehors. Le désordre intérieur qui ne trouve pas sa voie et se heurte aux parois des lois édictées par des hommes fous courant après le temps.
La couleur, du temps certes, mais aussi du coeur, d'un regard, d'une parole... La folie de la vitesse qui conduit à griller le rouge ou choisir un tableau alors qu'il n'est pas achevé.
Avril Etudier. Etre étudiée.
Etre bouleversée. Etre en proie à des bouleversements qui me dépassent.
Maîtriser. La métrique systématique des vers et des paroles.
Versifier, palabrer. Que tout soit régi par trop de règles.
Le tintement des choses au quotidien. La disharmonie.
Le suffixe d'écrivaine si c'est celle de la définition pure de l'écriture. La connotation négative et ne pas pouvoir m'en désengloutir.
Transposer. Que l'on m'y incite.
Croire ma plume voguer au large d'horizons imaginaires. Prendre conscience que ma plume n'est plus réellement la mienne... et qu'elle s'est appropriée mes horizons d'attente.
Mars Le bruit du crissement du sable sous mes semelles l'hiver. Celui des pneus ou du dérapage incontrôlé des ongles trop longs sur le tableau noir de l'école.
Le subjonctif, même s'il n'est plus tout à fait à la mode. La mode, lorsqu'elle se contente de l'indicatif.
Dire, sans médire, puis redire s'il le faut. Faire semblant te dire en redisant ce que chacun médit.
Idéalement croire à la destinée et aux idées. Les gens qui ne croient qu'à une seule et même idée du destin.
T'entendre gémir de plaisir. Prendre plaisir à harceler ton silence.
Qu'advienne cette volonté tant décriée. L'idée qui pourra advenir de tout message.
Février Idéaliser. Atterrir et perdre de vue l'idéal de départ.
Entrevoir pour espérer voir autre chose. La netteté des choses perturbée par des verres à double foyer.
Eloigner pour mieux voir. M'éloigner pour comprendre que ceux qui ne m'entourent plus me manquent.
Tisser, broder, ébaucher. Raccommoder, rattraper et clôturer.
La finition d'un ourlet fait avec application. M'entendre dire à la fin d'en entretien : on verra la prochaine fois.
Les allusions de la fiction. Les illusions de la réalité.
Voir clair dans le noir. La clarté des évidences.
Janvier Donner au change et ne rien attendre en échange. Que l'on m'implique dans un don que j'avais prévu de faire par moi-même.
Ce moment particulier où le livre devient réalité et où sa voix va être entendue. Difficilement discerner le chas de l'aiguille et me devoir me fier à mon unique vision que je sais troublée depuis longtemps.
Reléguer au second plan les sentiments néfastes. Consentir à agir par sentimentalisme.
Lorsque le vent du dehors gonfle le linge récemment étendu sur des fils de fortune et m'emplisse de bien être. Savoir que beaucoup de gens n'ont pas ma chance et que mon bien être leur paraisse injurieux.
Donner du sens au sensible. Que mon intelligible paraisse insensé.
Le premier jour de l'année qui me fait penser au commencement du monde. Le cortège de bonnes résolutions qui ne durent jamais très longtemps.