Décembre |
Me rappeler les mots écorchés par mes enfants pour que résonne en moi le charme d'hier. |
Avoir oublié de noter la date sur certains de leurs premiers dessins. |
Dire je t'aime sans raison. |
Ne pas entendre un dernier "Je t'aime" avant de dormir. |
Novembre |
Regarder mon chat dans les yeux et le contempler béatement. |
Quand mon chat fait ses griffes sur mon grand tapis en laine. |
Le miel dans le lait chaud qui colle à la cuiller. |
Avoir les mains collantes et devoir fouiller dans mon sac à la recherche de mes clefs. |
Octobre |
La neige qui tombe et qui atténue les bruits habituels, le vent qui chante et fait ployer les arbres, bruisser les feuilles et détruit mon brushing. |
Pas sortir de chez le coiffeur toute laquée, me sentant figée et un peu raide. |
Septembre |
Ce jeu amoureux qui consiste à attendre que l'autre ait raccroché, cette délicieuse façon de prolonger l'échange. |
Le lundi matin quand le week-end appartient déjà au passé. |
Aout |
Eternuer toujours trois fois, épiler mon sourcil à la perfection et traquer le cil qui empêche la fermeture de l'oeil. |
Que l'on me force à faire quelque chose alors que j'allais ouvrir un livre, des bruits de pas dans un parking désert, l'haleine chargée d'un voisin essoufflé. |
Le froissement en général, celui du papier, des ailes d'un oiseau ou d'une étoffe lors d'une marche, en particulier. |
Le bruit d'un moustique toute la nuit autour de mon oreille, ni celui du grillon qui s'arrête lorsque l'on s'approche. |
Juillet |
Entendre la cloche sonner et compter l'heure qu'il est. |
Les cloches qui sonnent lors d'une cérémonie d'enterrement. |
Les petits riens dont j'oublie le tout. |
Le tout des petits riens. |
Les lieux qui me parlent et me chantent. |
Du tout qu'on me souligne la voix avec désenchantement. |
Juin |
Au-delà de tout savoir apprécier les restes. |
Que l'on m'oblige à consommer autrement. |
Cohabiter et prononcer des malentendus. |
Subir leur poids et leur lot de banalités pré mâchées. |
Les murmures, les mélodies à la clé de l'harmonie. |
L'anarchie rythmique qui menace de me faire perdre le fil. |
Mai |
Parler de mon écrit après. |
Parler de mon écrit pendant. |
Prononcer des mots insensés lorsque je les ai mûris. |
Carrément pas faire face aux propos insensés, voire blessants, des autres. |
La marge largement dépassée par mon attitude. |
Respecter celle des écoliers au pied de la lettre. |
Avril |
Cultiver l'égoïsme de ma plume. |
Lorsque les êtres manquent de diligence. |
Voir un aquarium dans un café de bord de mer au bord de l'océan déchaîné. |
Du tout surprendre chez les autres une once de mon senti. |
Taire les évidences. |
Du tout les parler. |
Mars |
Les écrire. |
Me contenter de leur oralité. |
Les certitudes que je m'impose. |
Celles des autres dont je dispose. |
Poser l'oeil là où personne ne le pose. |
Que l'ophtalmologiste me parle de chiffres. |
Entrevoir, ébaucher, entretenir... |
Du tout fixer, former, fuir... |
Février |
Décliner la subtilité au diapason de la psychologie. |
Me contenter de réciter les déclinaisons latines hors du contexte. |
Favoriser le concours des occurrences. |
Subir le concours des autres sans que je leur demande. |
Le thé brûlant et sa suée immédiate. |
Avoir les mains moites et glacer la main de l'autre. |
Janvier |
Le sable fin des étendues horizontales. |
Du tout le petit grain qui s'interpose entre mon oeil et ma lentille. |
Voir les déferlantes et leur cohorte d'écume. |
M'imaginer dedans, ni ceux que j'aime. |
Laisser venir l'orage et sentir sur mon visage les premières gouttes. |
Souffrir du froid et peut-être regretter ma témérité. |