Il s'avance lentement dans son habit de solennité jusqu'aux lumières de la scène. Il serre dans sa main gauche, la composition de son pianiste préféré et rejoue mentalement les mouvements contrastés de l'adagio et de l'andante de sa sonate. Il respire amplement comme s'il voulait décapsuler ce bouchon d'angoisse qui l'étreint à chaque nouvelle prestation. Les musiciens l'attendent, avec la même sensation de fièvre, puisque eux aussi vont se livrer au public averti de l'Opéra. Ils savent tous que les premiers applaudissements ponctueront cette fantastique traversée du désert et qu'ils recevront des bouquets de mercis.
Seuls ils le sont et le resteront face à leur travail quotidien, version innée de leur don d'origine ; seuls aussi au sommet de l'art afin que leur soleil personnel rime avec le zénith. Enfin toujours et encore seuls voulant sans cesse dépasser l'original comme d'aucun veulent aller vers l'ailleurs sans compromis et en toute humilité.