Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. La température de l'air est tombée en dessous de zéro, les arbres ont perdu leurs fleurs à peine écloses et les gens de la ville sont restés chez eux en regrettant de ne pas avoir ravivé le foyer de leur cheminée.
Que se passe-t-il au beau milieu de l'Egypte en ce matin du 2 avril de l'année 1372 ? Aucun scientifique spécialisé en météorologie ne peut l'expliquer :
- C'est dans l'air du temps ?
- Quoi donc ?
- Le changement.
- Mais quel changement ?
- Le déroulement de la journée nous apportera peut-être la réponse...
C'est ce type de dialogue que l'on pouvait surprendre dans les rues glacées de ce pays chaud.
Un couple déambulait péniblement à travers les rues. La silhouette de femme âgée d'à peu près vingt-cinq ans ployait sous le poids d'une grossesse qui arrivait à terme. L'homme, à ses côtés, la soutenait du mieux qu'il pouvait en affrontant l'air de plus en plus glacial et les flocons de neige qui aveuglaient leurs visages.
- Entrez ! Venez ici ! Il fait bon chez moi. Ma maison est petite mais j'ai pu faire du feu. Je vais vous donner du lait chaud et votre femme pourra s'allonger.
En ce samedi 1er avril, une femme était devenue mère et un homme était devenu père. Or personne ne connaissait leur prénom. Ni les gens du village, ni ceux qui les avaient accueillis. Car ils venaient de loin, de très très loin.
- On l'appellera Ornicar. C'est le fils de toutes les circonstances et de tous les chamboulements.
Il était né avec des cheveux blancs comme la neige d'Egypte, cotonneux comme les nuages qui habillaient le ciel ce jour-là et gracieux comme la beauté chaleureuse de la demeure. Ses parents s'étaient installés dans ce village où ils avaient trouvé du travail. Ornicar avait grandi.
- Je ne veux pas rester toute ma vie dans ce village, je m'ennuie.
- Mais enfin Ornicar tu as tous tes amis, ta famille, ta classe !
- Je veux voyager, aller au bout des autres mondes, franchir l'horizon !
- Mais qui t'a mis des idées pareilles en tête ?
- ...
- Ton père travaille la terre, moi je m'occupe des bêtes. Je sais bien qu'à ta naissance il neigeait et qu'il n'a plus jamais neigé depuis, mais quand même... tu es farfelu mon fils.
Ornicar repartit en colère. Décidemment peu de gens le comprenait ! Ce n'était pourtant pas compliqué, il voulait prendre le bateau et parcourir les océans avec les marins du village qui ne revenaient parfois qu'au bout de longs mois. Ils racontaient à leur retour des histoires extraordinaires, rapportaient des tissus, des épices, des objets bien différents de ceux qui l'entouraient chaque jour.
Il avait un don extraordinaire que les circonstances de sa naissance avaient développé. Son sens du toucher était surdimensionné. En appliquant ses mains sur des objets, il avait la faculté de ressentir la vie de l'objet, sa provenance, son histoire. En un mot, Ornicar était un être exceptionnel.