Anne-Bénédicte Joly

Écrivain

Râ conte l'Empire d'Égypte - Extrait

Nebti, ravissante jeune fille à la chevelure noire comme le jais, grandissait harmonieusement à Thèbes auprès de son père Houry, vizir du pharaon et de sa mère Henet.
Un jour, sa servante lui dit :
- Votre mère vous attend dans sa chambre.
- Pourquoi ? demanda-t-elle avec un regard interrogateur.
- Je n'en n'ai aucune idée. Je sais seulement que c'est urgent.
La jeune fille finit de se coiffer et se dirigea vers la chambre d'Henet. Elle frappa à la porte.
- Entre et referme la porte derrière toi.
Nebti adorait contempler sa mère. Deux servantes étaient en train de la maquiller. L'une appliquait du khôl sur ses yeux noisette et l'autre saupoudrait du fard rose sur ses joues. Elle arborait un sculptural bracelet en or sur le bras gauche. D'un geste autoritaire, elle chassa les servantes.
- Mère, que se passe-t-il ?
- J'ai une bonne nouvelle à t'annoncer, dit Henet radieuse.
- Laquelle ? rétorqua Nebti avec une grande curiosité.
- Ton père et moi avons décidé que tu épouserais...
A ce moment précis, Nebti fit un large sourire.
- Hésyré, le fils du grand nomarque.
En entendant ce nom, elle blêmit et son sourire s'effaça.
- Comment ? Hésyré ? Mais maman, il ne pense qu'à l'argent !
- Mais non ! C'est un garçon très poli tout à fait serviable qui te conviendra parfaitement.
Nebti, toute désarçonnée, n'insista pas. Sa mère ajouta d'un ton péremptoire :
- Le mariage aura lieu dans trois jours. Le premier jour des moissons.
La jeune fille, désespérée par une telle annonce, quitta sa mère les larmes aux yeux. Dans sa chambre, elle réfléchit et rassembla ses esprits. Au bout d'un certain temps, elle eut une idée...
Il ne restait plus que deux jours à Nebti pour mettre son plan à exécution. Elle s'empara de quelques provisions et de tous ses bijoux. La nuit venue, elle décida de fuir. Depuis que sa mère lui avait annoncé cette terrible nouvelle, elle n'avait plus eu qu'une idée en tête : s'enfuir. Elle ne savait pas où elle irait, ni de quoi serait fait le lendemain. Elle changea de nom, se rebaptisa Mahî pour trouver plus facilement du travail.
A l'aube, dans la grande ville de Thèbes, il y avait déjà beaucoup de monde. Le marché venait juste d'ouvrir. S'y trouvaient des marchands d'agrumes, des vendeurs de très beaux tissus en lin, ainsi que de jolies statues, souvenirs de Thèbes. Un peu plus loin, se trouvait le port de Thèbes. Mahî franchit l'entrée du port et pensa que si elle prenait un bateau pour l'autre rive, ses parents ne la retrouveraient pas.
- Savez-vous si un bateau pourrait m'amener sur l'autre rive ?
- Non, je n'en sais rien, répondit l'homme.
Elle continua sa route.
Au même moment, chez la jeune fille :
- Houry, sais-tu où est Nebti ? demanda Hénet.
Le père répondit à sa femme :
- Non justement, je la cherchais.
Hésyré venait juste d'arriver avec Mâhor, son garde du corps, dans l'intention de voir sa future épouse. Mâhor était un beau jeune homme, assez musclé et très grand. Hésyré l'avait échangé en Afrique contre dix cruches de vin et cinq bijoux en jade.
- Hésyré ! Ta future épouse n'est plus là ! Elle vient de s'enfuir ! s'exclama Hénet.
Le jeune homme n'écoutait pas ce qu'elle lui disait. Il s'obstinait à compter l'argent qu'il gagnerait en se mariant avec Nebti.
Sur le port, un mendiant s'adressa à la jeune fille :
- Tu cherches un bateau pour aller sur l'autre rive ?
- Oui. Savez-vous où je peux en trouver un ? demanda Mahî toute contente.
Le mendiant se nommait Kounoupou. C'était un scribe qui avait été amputé de la main droite pour falsification de comptes.
Il répondit :
- Oui, je connais un bateau qui mène à la nécropole sur l'autre rive.
- Comment puis-je monter à bord, demanda la jeune fille, ennuyée.
- Clandestinement...
- Y a-t-il du travail là-bas ?
- Bien sûr. Mais le travail y est pénible car les odeurs sont fortes.
- Cela m'est égal, répondit-elle.
Elle remercia le mendiant en lui offrant une amulette en argent qui représentait Uraeus, le cobra protecteur. Puis, elle se dirigea vers le bateau. Elle aperçut un tonneau et se glissa à l'intérieur. C'était un tonneau qui contenait du sel destiné à la conservation des cadavres. Tout d'un coup, elle se sentit soulevée. Quelqu'un portait le tonneau pour le mettre dans le bateau. Pendant toute la traversée, elle demeura cachée dans son abri.