Anne-Bénédicte Joly

Écrivain

Nouvelles non cartésiennes - Extrait

[...]

En se rendant chez son aïeul, Arthur avait eu le pressentiment d'un danger imminent. Son intuition ne l'avait jamais trompé. Alors qu'il lui disait au revoir, en fin d'après-midi, il entendit un long et douloureux râle. Se précipitant dans la chambre, il le découvrit gisant de tout son long sur le lit. Tremblant de fièvre, il eut juste la force de murmurer :
– Va dans la bibliothèque. Sur le dernier rayonnage, tu trouveras un livre s'intitulant "Pour plus tard peut-être". C'est un ouvrage de 2009 pages tout à fait unique. Il peut...
– Il peut quoi grand-père ?
La voix haletante, il réussit à articuler à grand peine :
– Il peut te projeter dans le futur... Ainsi tu pourras trouver le vaccin contre la peste... A défaut de nous avoir sauvés, ta grand-mère et moi, tu sauveras bien d'autres personnes...
Puis, il se tut à tout jamais. Arthur se précipita dans la bibliothèque pour s'emparer de l'ouvrage en question.
Il l'ouvrit et se retrouva bien en 2009, à nouveau en hiver, encore et toujours à Quimper... mais la ville avait tellement changé !
Il sursauta quand il entendit les bruits des voitures et manqua de se faire écraser. Il se réfugia sur le trottoir. Des gens allaient et venaient en tout sens. Ils étaient vêtus d'habits comme il n'en avait jamais vus. Etait-ce cela le futur dont son grand-père lui avait parlé ? Comment survivrait-il dans cet environnement une journée de plus ?
Il erra ainsi deux bonnes heures, passa devant l'église et regarda les devantures des magasins. Soudain, la faim se fit sentir et il entra dans une boulangerie, attiré par de succulents desserts.
– Vous désirez ?
Il montra du doigt son gâteau préféré mais... au moment de payer, il mit le commerçant hors de lui.
– Sortez d'ici ! Je ne veux pas de mendiant chez moi.
Un homme, qui se trouvait derrière lui, âgé d'une cinquantaine d'années, se proposa de payer le gâteau.
– Merci monsieur.
– Pas monsieur. Docteur... docteur Bertrand.
– Enchanté. Moi c'est Arthur.
Ils se rendirent dans un café et Arthur raconta, du mieux qu'il pût, toute son histoire au médecin qui montra un vif intérêt.
– Je crois que je vais pouvoir t'aider. Comme je suis médecin, je vais te conduire à l'hôpital où tu pourras te renseigner auprès de mes confrères. Mais sache que la peste n'existe plus de nos jours...
– Et comment pourrais-je guérir mon grand-père alors ?
– A présent il est mort, mais peut-être pourras-tu rapporter d'autres vaccins dans ton époque et ainsi sauver quantité de vies humaines.
La nuit commençait à tomber et le docteur Bertrand invita Arthur à passer la nuit chez lui.
– Demain nous nous rendrons à l'hôpital. Je vais modifier mon emploi du temps et demander à ma secrétaire de déplacer mes rendez-vous.
Eberlué par tout ce qu'il venait de lui dire et n'en comprenant pas un traître mot, il préféra se taire et le suivre docilement. Dés que sa tête toucha l'oreiller, il sombra dans un sommeil réparateur.
– Debout Arthur ! On va être en retard.
Sorti de ses songes agités, il se redressa dans son lit les cheveux en bataille.
– Où suis-je ? bredouilla-t-il inquiet.

[...]