L'immense serre a été construite à la fin du XXème siècle aux frontières du désert, de la mer et de la montagne. Le sable de ce désert est si fin que des voyageurs de tous les mondes viennent le fouler. Certains ramènent chez eux des boîtes remplies de sable pour l'analyser. D'autres ont imaginé les machines les plus inouïes pour compter un à un les grains. Personne n'a trouvé l'idée surprenante car dans ce monde, tout est possible et chacun met en oeuvre sa tête pour trouver des solutions à des problèmes mêmes introuvables !
La mer de ce lieu a également attiré une multitude de curieux. Des navigateurs ont échafaudé des plans pour traverser l'eau mais ils n'ont rien trouvé à l'horizon et sont revenus, déçus, en reportant leur intérêt sur la montagne. C'est elle qui a fait couler le plus d'encre et rassembler le plus de monde. Contrairement à la mer, qui est horizontale, elle est verticale et à certains endroits personne n'a pu l'escalader. Ainsi, le plus haut pic a été baptisé le Pic du Mystère et est resté avec ses neiges éternelles le lieu symbole de l'insoumission et de la peur.
Au beau milieu de ces mondes, se trouve une serre d'une superficie de 30.000 mètres carrés. Elle est le carrefour de toutes les pérégrinations. Quand elle a été construite par les architectes, il a fallu organiser la vie à l'intérieur. En effet, la partie occupée par le désert nécessita un acheminement de l'eau plus complexe que celle construite sur la mer. De même, la partie montagneuse posa des problèmes aux géomètres qui durent adapter leur édifice au relief escarpé.
Le président de tous les mondes nomma un responsable général de la serre qui devrait contrôler, surveiller, organiser, planifier, gérer, calculer, prévoir, soigner, protéger, dédramatiser... en bref, faire mille tâches à la fois ! Ce responsable devrait aussi savoir s'occuper des milliers de variétés de plantes cultivées en serre en maîtrisant leurs besoins, leur alimentation, les risques de maladie et en prévoyant les vaccinations. Il arroserait, couperait, tondrait, taillerait, cisaillerait, réparerait, accrocherait et étayerait... en bref, faire mille travaux quotidiens.
Le président ne le choisit pas par hasard. Il désigna Monsieur Géranium parce qu'il était non seulement jardinier de formation, mais aussi chercheur, inventeur, créateur, botaniste, apiculteur, sismologue, océanographe, alpiniste et très sportif. Ce monsieur ferait l'affaire. Il logerait sur place, dans la serre, en plein milieu. Les constructeurs lui prévoyèrent un phare de plusieurs mètres de haut qui surplomberait la totalité des plantes et lui permettrait de veiller au bon fonctionnement des nuits au milieu de la serre.
La serre avait une telle réputation que des gens de partout venaient la visiter. Il fallait plusieurs jours pour accéder à l'entrée et plusieurs semaines pour en faire le tour. Les gens dormaient dans des dortoirs, à l'écart, pour ne pas gêner le sommeil ou le réveil (!) des plantes. Puis, dès que le soleil se levait, l'activité humaine reprenait et la visite redémarrait.