Anne-Bénédicte Joly

Écrivain

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Entre ascenciel et mer - Extrait

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Au large de l'Océan de l'Ailleurs, par un matin calme de l'année 2030, le jardin maritime Ecailles du Monde s'éveillait lentement. Après des années de conflits avec d'autres villages et de nombreuses luttes entre les habitants, une paix durable semblait s'être installée permettant à chacun de retrouver, enfin, un rythme normal.
Les végétaux pouvaient s'épanouir sans crainte. Les salades de mer arboraient leurs plus belles couleurs, ainsi que les algailles, les banalianes, les grains de la nuit et autres florum, fameusement célèbres car une fois tissés ils étaient utilisés pour fabriquer des cordages de bateaux qui ondulaient en toute insouciance dans ce milieu désormais paisible.
Or, au même moment, non loin de là, un immense voilier blanc semblait être en difficulté. Les vents s'étaient soudainement levés et une tempête s'annonçait. Malgré l'expérience des marins et leur courage, le navire fut malmené par les flots déchaînés et au bout d'une heure à peine de lutte, le voilier sombra, englouti par l'océan. Une dizaine de matelots parvint à se hisser, au prix de nombreux efforts, dans les canots de sauvetage. Ceux déjà à bord appelaient leurs compagnons perdus en mer et se demandaient finalement, s'ils ne seraient pas les uniques rescapés de ce naufrage.
Eliama, la danseuse et Superpompon, son compagnon de toujours, eurent moins de chance. Ils ne purent regagner à temps un canot et coulèrent tous deux à pic à une vitesse vertigineuse aspirés par le bateau. Alors qu'ils arrivaient près d'Ecailles du Monde, un curieux phénomène se produisit. Une immense bulle d'oxygène, surgie de nulle part, entoura les compagnons et leur prodigua l'air nécessaire afin qu'ils puissent respirer normalement. Leur descente en fut ralentie et, les yeux écarquillés, ils découvrirent ce nouveau monde. Eux qui avaient sillonné les mers, vu des villes modernes avec des buildings et d'imposantes constructions, ils étaient à présent immergés dans un univers maritime magique dont ils n'auraient jamais soupçonné l'existence.
Les habitants de ce monde semblaient se déplacer dans des bulles : des humains, des animaux. Tout ce petit monde cohabitait tout naturellement. A intervalles réguliers se trouvaient des ascenseurs, dont ils apprendraient plus tard qu'il s'agissait d'ascenciels, assurant les déplacements du bas vers le haut.
– Est-ce que je suis en train de rêver ? s'extasia Eliama, les pupilles dilatées devant ce monde si différent du sien.
– En ce cas nous sommes deux à rêver, rétorqua Superpompon. C'est tout à fait extraordinaire.
Aucun bruit ne venait perturber toute cette organisation qui fonctionnait sans heurt, ni querelle.
Au bout de quelques instants, leur bulle effleura le sol et s'immobilisa au beau milieu des arbres de corail orangés. Interdits, ils n'osèrent pas bouger et attendirent en essayant de faire le moins de bruit possible en respirant.
– Qu'allons-nous devenir ? J'ai tellement peur…
– Du calme Superpompon, un peu de nerf. Nous allons bien trouver une solution.
A quelques mètres d'eux, ils virent une autre bulle avancer. Elle était plus grande que la leur avec à l'intérieur des animaux et des enfants. Lorsqu'elles furent sur le point de se toucher un conduit les relia et une voix se fit entendre :
– Nous ne vous voulons aucun mal. Bienvenue sur Ecailles du Monde. Que vous est-il arrivé ?
Ils hésitèrent quelques instants avant de répondre. Ils regardèrent tour à tour les animaux, les enfants et la voix féminine reprit la parole :
– Nous sommes les habitants d'Ecailles du Monde. Les hommes et les femmes sont partis travailler dans les différents villages avoisinants. Je reste avec les animaux et les enfants pendant la journée. Je suis responsable d'eux.
Eliama osa s'adresser à la voix :
– Etes-vous la reine d'ici ?
Un gloussement se fit entendre.
– En effet, je suis la reine… mais j'ai aussi un rôle d'enseignante.
– Ah...
– Laissez-moi vous présenter nos amis les animaux.
Superpompon ouvrit grand les yeux en esquissant un sourire. Enfin des amis !
– Voici les gibulles, les lioncailles et juste là, les nageoizèbres.
– Vous vivez tous dans la mer… euh, je veux dire tout le temps ?
– Oui, notre univers est cet immense jardin maritime et nous nous déplaçons à l'aide de ces bulles… Ce sont nos poumons en quelque sorte…
Eliama, toujours curieuse, poursuivit son interrogatoire. Elle avait hâte de découvrir tout ce monde magique, elle qui vivait sur terre et dans ses villes surpeuplées et si polluées.
– Comment vous appelez-vous ?
– Je m'appelle Orsinal et le roi, mon époux, se nomme Requindoc.
– Est-il méchant ?
– Oh non… mais il sait défendre notre territoire. A présent, si vous le voulez bien, nous allons vous faire visiter notre monde. Nous manquons à tous nos devoirs ! Excusez-nous… Et vous, d'où venez-vous ?
Eliama et Superpompon narrèrent leurs aventures depuis leur vie quotidienne jusqu'à ce maudit naufrage qui les avait amenés, par chance, ici.
– Maintenant que nous nous connaissons mieux et que vos intentions sont pacifiques, nos bulles vont se réunir. Tenez-vous bien aux parois, il va y avoir un peu de bruit et des secousses, puis nous nous retrouverons tous dans la même bulle.
Quelques secondes plus tard, ce qui avait été prédit se réalisa et ils purent découvrir Orsinal avec sa belle chevelure châtain et sa longue cape d'écailles.
– Ce n'est pas compliqué. Ici nous portons tous une cape d'écailles ; c'est notre signe de ralliement. Nous allons vous faire découvrir notre univers et ceux qui sont autour.

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