Anne-Bénédicte Joly

Écrivain

Disparition à... paraître ? - Extrait

Versailles
24 octobre 2005, 8 h 00

Gérard Renardous avance sur le boulevard du Roi, la tête rentrée dans les épaules pour se protéger du brouillard humide de ce début d'automne. Il récapitule un à un tous les indices de son enquête et reste perplexe. Comment était-il possible que deux jumelles disparaissent en plein jour, au beau milieu d'une ville en mouvement un mercredi après-midi, traditionnellement consacré aux loisirs des enfants ? Comment cela avait-il bien pu se produire ?
A quarante ans passés, il avait gravi les échelons jusqu'à ce poste de commissaire obtenu il y a deux ans. Son expérience forçait le respect dans sa circonscription et ses collègues étaient tous impressionnés par son sens de l'analyse et son regard perspicace.
- Bonjour commissaire.
- Bonjour Valentin. En forme ?
- Comme vous commissaire !
Il franchit le seuil du commissariat tout en poursuivant son raisonnement en son for intérieur. Il avait scrupuleusement noté la déposition de Madame Grany, la maman, somme toute assez sympathique et celle de son époux, un chercheur fantasque très déroutant. Il devait interroger aujourd'hui, Madame Courge, la première nourrice des filles qui s'était occupée des jumelles jusqu'à leur sixième année. Elle avait repris du service devant l'insistance de Mme Grany qui, après trois années de chômage et de recherches d'emploi vaines s'était résolue à faire les marchés les mercredi, samedi et dimanche de six à quatorze heures. Les jumelles, habituées à cette nourrice, n'avaient manifesté aucune réticence à l'idée de passer les week-ends chez Mme Courge.
Ce qui était curieux dans cette affaire, c'étaient les absences répétées de Mme Grany tant en semaine que durant les week-ends. Mais Gérard Renardous savait, par expérience, qu'il fallait rester sur ses gardes et ne pas juger la vie de chacun. Pourtant son enquête se baserait sur leur quotidien et il lui faudrait bien démêler les éléments un peu curieux de cette famille.
Sur le marché, Mme Grany travaillait avec M. Jean Bonneau le boucher qui tenait l'emplacement de charcuterie traiteur le plus fameux de tout Versailles. Gérard décida qu'il irait interroger le boucher sur place, bien que l'endroit ne soit sans doute pas idéal un jour de marché. Néanmoins, il espérait qu'il pourrait le renseigner sur la personnalité de Mme Grany et lui dire s'il avait noté un changement quelconque, des faits et gestes ou une attitude inhabituels ces derniers jours. Il se rendrait ensuite au salon de coiffure de Mme Bigoudi qui connaissait la maman des jumelles depuis plus de dix ans et qui avait comme signe distinctif d'être particulièrement volubile. Enfin, si la journée n'était pas trop avancée, il passerait également interroger M. Montonnez, le pharmacien, à qui M. Grany avait souvent passé des commandes rocambolesques pour faire ses inventions de mixtures.
Quelle journée en perspective ! se dit-il intérieurement à peine installé dans son bureau. Tout en rangeant ses affaires en cours il alluma son ordinateur pour consulter son agenda. Son dossier s'ouvrit sur la photo de Cerise et Clémentine. Les jumelles, apparurent sur le premier fichier. Cette enquête était sa priorité absolue et il savait qu'elle lui demanderait une très grande énergie et une grande discrétion. En effet, il lui faudrait aller plus vite que la presse afin d'éviter que les journaux ne s'emparent de l'événement et en fassent leurs choux gras.
La tête emplie de toutes ces préoccupations et de tous ces doutes, Gérard Renardous se mit consciencieusement au travail.
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