Anne-Bénédicte Joly

Écrivain

Athènes a pris de nos nouvelles - Extrait

Au cinquième siècle avant J-C, Athènes était une ville florissante qui faisait le bonheur de Sosthène et de Sostratos, deux jumeaux de dix-sept ans.
Ce jour-là, sur le chemin qui menait à l'agora, Sostratos, le plus turbulent et le plus irréfléchi, donna un coup de pied dans une pierre. Par malchance, le caillou rebondit sur un mur et alla briser un vase de grande valeur situé sur l'étalage d'une boutique. Le marchand surgit devant eux et leur dit :
- Vous avez intérêt à avoir de quoi payer les dégâts, sinon vous aurez de graves soucis.
Sosthène, qui était un garçon loyal, intelligent et juste, voulut le calmer et en dépit des grimaces de son frère qui voulait lâchement s'enfuir, il promit de rembourser le vase avant la fin du jour. Après avoir quitté le marchand, Sostratos interrogea son frère :
- Pourquoi as-tu dit cela au marchand ? Où va-t-on trouver cet argent ?
Il n'obtint aucune réponse. Sosthène avait sa petite idée. Il avait mis de côté, ces derniers temps, quelques drachmes avec lesquelles il comptait bien rembourser le vase cassé. Une fois qu'il eut tout compté, il se rendit compte qu'il lui manquait de l'argent.
Il retourna donc voir le marchand, avec son frère, et lui exposa la situation. Mais ce dernier ne voulut rien entendre car il n'était pas disposé à faire la moindre concession. Il ajouta même d'un ton péremptoire :
- Je vous laisse trois jours pour rassembler la somme dans sa totalité, pas un de plus.
Juste après l'avoir quitté, Sosthène réfléchit au moyen de gagner cet argent au plus vite et il songea à Egine, un ancien esclave de sa maison qui tenait dorénavant une boutique de cordonnier. Sans doute pourrait-il l'aider à rembourser sa dette ? Il courut jusqu'à sa boutique afin de lui demander de l'aide. Après lui avoir exposé sa requête, Egine accepta de l'embaucher. Ce serait le meilleur moyen de pallier ses soucis financiers.
Au bout de trois jours, comme il avait rassemblé la somme, il fila chez le potier pour s'acquitter de sa dette. Puis en guise de reconnaissance, il décida de se rendre sur l'Acropole remercier Athéna et lui demander de faire en sorte que son frère devînt plus calme. En montant, il s'arrêta pour admirer la grandeur et la beauté du site. C'était majestueux ! Il longea les Propylées, passa devant le temple d'Athéna Nikè, puis devant le Parthénon. Devant l'Erechteion, il fut saisi par l'émotion. Il faisait face au temple le plus sacré de l'Acropole. Il y entra en silence et fit une courte prière devant la statue en bois d'olivier de la déesse.
En ressortant, il vit beaucoup de monde qui voulait monter. Il décida d'emprunter un raccourci et de passer par une sombre ruelle. Soudain, il reçut un violent coup sur la tête et tomba, évanoui.
Pendant ce temps, Sostratos cherchait son frère mais il ne le trouva pas. Désespéré, il alla voir Egine pour savoir s'il ne l'avait pas aperçu.
- Il est venu m'aider. Il avait besoin de travailler pour rembourser une dette.
Dépité, Sostratos se rendit sur l'Acropole et trouva, sur le sol, devant l'Erechteion, la médaille de son frère que leur père lui avait donnée. Il ne la quittait presque jamais. Il rentra chez lui ayant compris que son frère avait bel et bien disparu et il décida que le lendemain il partirait pour Delphes consulter la Pythie. Au lever du soleil il était fin prêt. Il partit en bateau et arriva à Delphes sans encombre. Il fut émerveillé par la splendeur du site. Il courut vers le sanctuaire mais fut découragé par une longue file d'attente située devant les portes. Il patienta tant bien que mal et bientôt il se retrouva devant le prêtre qui lui demanda de tirer une fève. Malheureusement pour lui, il en tira une noire et fut contraint de refaire la queue. La seconde fois, il eut plus de chance et put se purifier dans la Castalie et boire l'eau sacrée. Enfin, il put pénétrer dans le sanctuaire le plus sacré de toute la Grèce et admirer les grandes statues et décorations en bronze. Comme il se sentait petit devant tant de splendeur et de majesté ! Alors qu'il déambulait, admirant les statues, il se rendit compte qu'il avait oublié les offrandes ! Il retourna sur ses pas acheter des galettes et une pierre ombilicale. Plus loin, subjugué par le Trésor des Athéniens, il ressentit une fierté particulière à l'idée d'être prochainement citoyen d'Athènes.
Il se dirigea vers le temple d'Apollon au moment où le soleil apparut. Le monument était illuminé de toute sa splendeur, répandant des tonalités bleues et rouges. On aurait dit un rêve, tellement les couleurs étaient magnifiques. Devant l'autel, les prêtres préparaient le sacrifice d'une brebis. Ils arrosèrent l'animal d'eau glacée qui, par chance, se mit à trembler immédiatement : l'oracle allait pouvoir être consulté. La brebis fut sacrifiée et Sostratos poursuivit son chemin. Il descendit, accompagné de deux prêtres, dans l'adyton re-couvert d'une brume relativement dense. Il aperçut une vieille femme vêtue comme une jeune fille qui n'était autre que la Pythie. Le prêtre le conduisit dans l'isoloir et lui dit :
- Pose ta question.
[...]